Théâtre baroque


« Les codes de la mise en scène du théâtre baroque proposent une nouvelle lecture des grands textes du XVIIème siècle, un dépoussiérage éloquent, invitant le spectateur à une surprenante découverte. Loin d'une simple "reconstitution", la saveur retrouvée du langage et des voix, la chorégraphie du geste, la lumière des bougies, les costumes, les odeurs de cire et de poudre participent, comme dans nos voyages lointains, au dépaysement, à l'émotion, et nous révèlent les textes dans leur authenticité. Ce langage théâtral exigeant et singulier, qui fait fi du pittoresque, instaure entre l'acteur et le spectateur une relation unique, proche d'un lien magique, puissant mais fragile, si rare mais si nécessaire de nos jours. »

Jean-Denis Monory

 

« Le Baroque, c’est d’abord le théâtre, ou si l’on préfère, le théâtre c’est, par nature, par essence, la chose du Baroque, son mode d’expression cardinal. Le baroque, architecture, peinture, sculpture, est d’abord théâtre, et n’est presque que cela. » Philippe Beaussant, Vous avez dit baroque ? « Le corps baroque n’a pas de réalité en lui-même, mais existe seulement dans la mesure où il rend visible une réalité cachée. »

Eugène Green, La Parole baroque


Qu'est-ce que le théâtre baroque?

Les spectacles baroques offerts par la Fabrique à théâtre sont l’une des plus grandes révélations théâtrales de ces dernières années, un dépoussiérage éloquent du répertoire du XVIIème siècle.

Katell Itani (c)
Katell Itani (c)

Le rideau s’ouvre, la magie opère : d’une extrême douceur, la lumière des bougies caresse les artistes maquillés de blanc de céruse et vêtus des costumes aux couleurs les plus chatoyantes à la mode du XVIIème siècle. Un tableau de Caravage, Poussin ou de La Tour s’anime. Les comédiens "chantent" leurs émotions face au public (on ne tournait pas le dos au roi) : modulation de la voix, profondeur d’un silence, élégance d’un geste, intensité d’un regard.

L'esthétique de ce théâtre surprend et contribue au fabuleux plongeon dans le XVIIème siècle : le sentimentalisme romantique s'efface pour laisser paraître, avec une infinie beauté, l’âme du poète. Les comédiens sont avant tout au service du texte. Les riches inflexions de la voix et la chorégraphie du geste éclairent avec brillance la poésie de Racine ou la saveur comique de Molière, donnent un éclairage étonnant aux fables de La Fontaine ou aux textes érotiques du grand siècle et de ses auteurs célèbres.

Katell Itani (c)
Katell Itani (c)

Clavecin, théorbe, luth, viole de gambe, flûte ou hautbois, qui accompagnent chaque spectacle, participent également du ravissement.

Il y a une trentaine d'années, les ensembles qui voulaient remettre au goût du jour la musique baroque déroutaient… Au XXIème siècle, nombreux sont les festivals qui la célèbrent.

Aujourd'hui, place au théâtre baroque !

 

 

La révélation du théâtre baroque

Katell Itani
Katell Itani

Visages blancs, gestuelle chorégraphiée, déclamation chantée, costumes chatoyants, lumière des bougies et musique vivante sur instruments anciens sont les révélateurs des textes du Grand Siècle. Ce genre “nouveau” confère au texte une puissance étonnante. Cet art théâtral, âgé de quatre siècles, restitue aux mots leur puissance et leur valeur originelle et l’interprétation baroque provoque la surprise, force l’écoute et l’attention, affranchit l’entendement. Le jeu baroque repose sur trois axes indissociables : langage (phonétique, musicalité et rythme), gestuelle, et énergie corporelle et vocale. Les sources documentaires du XVIIème (traités, lettres, critiques, gazettes, iconographie, partitions) sont à la base du travail et de l’inspiration des artistes baroques d’aujourd’hui.

 

Chorégraphie du geste

En théâtre baroque, le moindre geste est porteur de sens, au même titre que les mots : la position des doigts, des mains et du corps symbolise une pensée ou un sentiment précis. Cette gestuelle codifiée se construit en fonction de l’intensité, du rythme et de la signification du texte pour créer un véritable alphabet du corps, un langage muet et universel.

La “chorégraphie” de l’ensemble des positions, des gestes et des postures crée une “mise en scène”, évoquant par sa pureté et sa construction l’art sculptural et pictural des maîtres italiens et français des XVIème et XVIIème siècles tels un Caravage, un Bernin ou encore le mouvement d’un Poussin, ou d’un Lahyre... Cette chorégraphie particulière demande au comédien un travail rigoureux pour un résultat d’une grande puissance poétique.

 

Diction et déclamation

La langue que l’on entendait à la cour, au théâtre ou au prétoire était aussi étrange pour un contemporain de Molière ou de Racine que pour le spectateur du XXIème siècle. La prononciation du "r" roulé, du "l" mouillé, des voyelles nasales, du “â” fermé, du “a” ouvert, du "e" muet et des consonnes finales réclame un apprentissage précis, mais ce parler, loin d’être “savant”, semble très proche de nous et rappelle certains accents encore présents dans nos régions ou dans les pays francophones comme le Québec ; c’est une musique oubliée qui chante à l’oreille comme un écho à nos racines.

Jeu frontal

Les conditions de la représentation théâtrale au XVIIème siècle ne sont  pas celles que l’on connaît aujourd’hui. Des spectateurs souvent bruyants, un éclairage limité aux bougies disposées en avant-scène obligent les comédiens à jouer face au public ; ils ne se regardent pas entre eux et ne se touchent pas, ou à peine : la voix et l'énergie de l'artiste sont ainsi portées au mieux vers le public dans un jeu de rapports triangulaires permanent.